Chorea Lasciva
Création le 4 Novembre 2023 par l'OHJS sous la direction de Maxime Maurer et le quatuor de saxophone Re/Sono au Palais des fête de Strasbourg.
L'oeuvre est dédicacée à Charlotte Gudefin.
Instrumentation :
1 Picc. - 4 Fl. - 2 Htb. - 2 Bn. - 1 C. Bn. - 1 Cl. Eb - 3 Cl. Bb (3 musiciens par partie) - 1 Cl. B. - 2 Sx. A. - 2 Sx. T. - 1 Sx. B. - 4 Cors - 3 Tp. Bb - 3 Trb. - 1 Trb. B. - 2 Euph. - 1 Tuba -
1 Cb à cordes ( 3 musiciens min.) - 1 Hpe. - 1 Pn./Cel.- 1 Timb. - 4 Perc.
ed. Alfonce Production - durée ca 13 minutes
En 1526, à Strasbourg, le médecin Paracelse désigne sous le nom de Chorea Lasciva des phénomènes de transe collective observés, comme si des personnes avaient été empoisonnées, les conduisant inexorablement à danser, parfois jusqu'à en mourir.
Ces crises de danse collective ont été, au fil des siècles, bien documentées, et la psychiatrie moderne assimile ces actes à des crises de "réaction de stress collective".
Historiquement, ces crises de nerfs étaient le plus souvent déclenchées par le manque de nourriture et par le développement de phénomènes épidémiques, avec la transmission de plusieurs maladies. Un témoignage terrible et édifiant est celui d'une mère jetant son nouveau-né dans la rivière, au-dessus du pont du Corbeau à Strasbourg, car elle n'avait plus de lait pour le nourrir. Sombre dans la folie, elle se mit aussitôt à danser.
Les autorités strasbourgeoises ont alors encouragé ces danses, car la croyance était que la danse permettait d'extirper le mal du corps de ces pauvres victimes. Dans ce contexte, une scène fut montée, des musiciens furent engagés, et au plus fort de la crise, pas moins de 400 danseurs étaient présents.
Paracelse observe également que ce phénomène de crise a pour origine un mouvement désespéré des femmes face à la tyrannie conjugale. Il écrira alors : « Rien n'irrite plus un homme qu'une femme qui danse. »
Chorea Lasciva est une pièce concertante pour quatuor de saxophones et orchestre. L'œuvre est divisée en deux parties distinctes.
La première partie se caractérise par une tension palpable, introduite dès l'ouverture par des accords que l'on retrouve tout au long de la pièce. Malgré cette tension, la musique conserve un caractère lyrique et onirique. Deux thèmes principaux y sont présentés : le premier, joué par la flûte dans son registre grave, et le second, plus développé et servant de fil conducteur à l'œuvre, introduit par le saxophone alto avant d'être repris par les autres saxophones solistes.
La seconde partie est beaucoup plus vive et explosive, centrée sur un motif très court, qui fait écho à la première partie, mais devient ici le cœur de l'action musicale. Cette section, d'une intensité obsédante, évoque l'épidémie de Strasbourg et les danseurs poussés à danser jusqu'à la mort. Le final de l'œuvre superpose le motif de la danse infernale et le thème lyrique de la première partie, avant de culminer dans une explosion orchestrale suivie d'une chute dramatique.
Comme l'évoque le compositeur : « Dans ma composition, j'ai voulu dépeindre la gravité d'une telle situation, où la puissance de la volonté du corps dépasse celle de l'esprit. Bien sûr, le sentiment de fatalité, suivi de l'urgence, est omniprésent, mais je souhaitais également mettre en lumière le courage de ces femmes qui, à travers leurs pas de danse, se sont élevées contre leurs maris. La danse devient ici une métaphore de la maîtrise de son propre corps et de sa liberté. J'ai cherché, à la fin de cette œuvre, à fusionner tous les motifs musicaux pour donner un sens, une direction musicale, soulignant la force et le courage de ces femmes. La danse comme exutoire, et l'art comme symbole de liberté. »